Loi « immigration » : « Des digues ont sauté face à la xénophobie et à la remise en cause de l’Etat de droit »
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Bien qu’une partie du texte adopté en décembre 2023 ait été jugée non conforme à la Constitution, il reste un ensemble de dispositions délétères pour la vie et les droits des personnes étrangères, dénonce un collectif de représentants d’ONG, de syndicats et d’associations, parmi lesquels Jean-Claude Samouiller, Sophie Binet, Patrick Baudouin.
Emmanuel Macron a procédé à la promulgation de la loi dite « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », le 26 janvier. La veille, le Conseil constitutionnel infligeait un revers sérieux au gouvernement et aux parlementaires ayant voté ce texte, en jugeant non conformes à la Constitution près de 40 % de son contenu. Mais cette décision est un soulagement en trompe-l’œil, car les magistrats n’ont pas jugé sur le fond la plupart des mesures, mais en ont censuré seulement la forme, estimant qu’elles n’avaient pas de relation directe avec le projet de loi initial.
Ils laissent ainsi la porte ouverte à ce que ces dispositions, directement issues d’une idéologie xénophobe, resurgissent par le biais de nouvelles propositions législatives. C’est d’ailleurs ce que l’Union centriste et, bientôt, Les Républicains tentent de faire avec une proposition de loi déposée fin janvier au Sénat reprenant quelques-unes des pires mesures censurées.
D’autre part, l’institution a jugé conformes à la Constitution d’autres mesures délétères pour la vie et les droits des personnes étrangères, présentes dans le texte initial du gouvernement. Pis, elle n’a pas émis d’avis sur la constitutionnalité de plus de quarante mesures extrêmement inquiétantes de la loi. Il s’agit là du texte le plus répressif depuis 1945. Car les mesures, pour certaines déjà en vigueur, constituent une aggravation manifeste de l’arsenal répressif à disposition des préfets et maintiendront des milliers de personnes dans une précarité toujours plus grande.
Démantèlement progressif
Le volet répression du projet de loi initial, déjà inquiétant, est ainsi durci : condition de « respect des principes de la République » pour l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour, renforcement de la double peine, levée des protections contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF), y compris pour les conjoints ou parents de Français, instrumentalisation de la menace à l’ordre public, allongement des délais pour accéder au juge des libertés en zone d’attente et en centre de rétention administrative, allongement de la durée exécutoire des OQTF, de la durée des assignations à résidence ou encore des interdictions de retour sur le territoire, création d’un fichier de mineurs étrangers délinquants ou encore exclusion de l’aide sociale à l’enfance pour les jeunes sous OQTF.
L’ensemble de ces mesures constitue une attaque sans précédents contre les droits des personnes étrangères, par sa violence et son ampleur.
Par ailleurs, la loi contient un démantèlement progressif du système d’asile. La fin de la collégialité des formations de jugement à la Cour nationale du droit d’asile, la facilitation du refus ou du retrait des conditions matérielles d’accueil, la possibilité du placement en rétention des personnes avant l’enregistrement de leur demande d’asile, la délivrance quasi automatique d’OQTF dès le rejet de leur demande sont autant de mesures qui visent à vider de sa substance notre système d’accueil pour les personnes cherchant une protection en France.
Le gouvernement annonçait un texte « équilibré », entre humanité et fermeté. Seule la seconde intention subsiste, alors que le volet intégration de la loi a été réduit à peau de chagrin. Désormais, le gouvernement ne cache même plus sa volonté d’avoir recours à une immigration choisie, recherchant de la main-d’œuvre à disposition, « consommable » selon les besoins de notre société.
Des digues ont sauté face à la xénophobie et à la remise en cause de l’État de droit. L’esprit de cette loi et la plupart des mesures du gouvernement ou issues d’amendements des Républicains, adoptées avec le concours du Rassemblement national célébrant une « victoire idéologique », sont incompatibles avec une société humaniste.
Un jeu funeste
Depuis mars 2023, l’examen parlementaire de ce texte a servi à justifier les discours les plus haineux et racistes, mais également ceux remettant en cause des éléments fondateurs de notre système démocratique. Parce que certaines de leurs propositions politiques seraient incompatibles avec les conventions internationales, les traités européens et notre Constitution, la droite et l’extrême droite ont ainsi affirmé la nécessité de réformer notre système de hiérarchie des normes pour déroger à ces obligations et engagements.
L’ensemble de ces textes protecteurs garantit le respect effectif des droits humains et la dignité de toutes et tous sur notre territoire, et ne devrait jamais être révisé dans le but de retirer des droits à certains. Or, le gouvernement s’est prêté à ce jeu funeste en faisant sciemment voter une loi comprenant des dispositions inconstitutionnelles.
Des digues ont sauté. Les conséquences seront difficilement réparables. Le gouvernement ne semble d’ailleurs pas vouloir s’engager dans leur reconstruction, comme en témoignent les annonces sur la future règlementation de l’aide médicale de l’État ou la réforme constitutionnelle sur le droit du sol à Mayotte. Le soutien inconditionnel de la France au dangereux Pacte européen sur la migration et l’asile est un autre signal délétère.
Nous ne nous résignerons pas et continuerons de lutter pour une société humaniste tournée vers l’accueil, protégeant toute personne, quel que soit son statut administratif, et faisant respecter les droits humains de manière inconditionnelle.
Les migrations continueront, qu’il y ait des voies légales et sûres ou non pour traiter les demandes. Des politiques d’accueil dignes pour toutes et tous, même si elles demandent du courage politique, seraient une solution plus pérenne pour le respect des droits des personnes exilées et pour la société.
Liste des 140 signataires de la tribune « Loi « immigration » : « des digues ont sauté face à la xénophobie et à la remise en cause de l’Etat de droit » » parue sur le site lemonde.fr le 15 février 2024
ASSOCIATIONS NATIONALES :
- Action Aid, DE RONNE Luc, président
- Action contre la Faim (ACF), KORAICHI Aicha, présidente
- Amnesty International France, SAMOUILLER Jean-Claude, président
- Anafé, PALUN Laure, directrice
- ANVITA, BARSEGHIAN Jeanne et CARÊME Damien, co-président.es
- Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie, METIN Umit, coordinateur
- Association DALO, LACHARME Bernard, président
- Association des Femmes de l’Europe Méridionale (AFEM), DIMITROULIAS Catherine, présidente
- Association des Travailleurs Maghrébins de France, EL IDRISSI Nacer, président
- Attac France, PICARD Alice, porte parole
- CCFD-Terre Solidaire, BUKHARI DE PONTUAL Sylvie, présidente
- CNAJEP, TIERCELIN Arnaud, co-président
- Coordination nationale Pas sans Nous, Mohamed MECHMACHE, président
- CRID, MÉRESSE Céline, présidente
- Emmaüs International, CHABOCHE Adrien, délégué général
- Emmaüs France, SUEUR Antoine, président
- Fédération Artisans du Monde, ANVROIN Yannick, administrateur
- Fédération de l’Entraide Protestante, RICHARD Isabelle, présidente
- Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives, BEN ABDALLAH Fayçal et BEN SAID Mohamed, président et membre du bureau
- Fédération Etorkinekin Diakité, MAYNARD Christine, représentante
- Fédération nationale des Francas, SEGURA Pierre, président
- GISTI, ROCHICCIOLI Vanina, DAADOUCH Christophe, co-président.e.s
- Greenpeace France, JULLIARD Jean-François, directeur général
- Groupe Accueil et Solidarité (GAS), DUPOURQUE Philippe, président
- Habitat-cité, TOUTLEMONDE Claire, responsable de pôle asile, accès aux droits et insertion
- Human Rights Watch, COSSÉ Eva, chercheuse senior France
- Humanity Diaspo, HAMRA Rana, directrice exécutive
- Ingénieurs sans Frontières, EL KAMILY Mehdi, président
- Intérêt à Agir, DELATOUCHE–BIOTTEAU Eléonore, présidente
- JRS-France, ROSSIGNOL Guillaume, directeur
- La Cimade, CARREY–CONTE Fanélie, secrétaire générale
- Les Amoureux au ban public (Lyon, Montpellier, Albi, Bergerac, Lille, Marseille, Nantes, Paris/IdF, Strasbourg), DÉOTTE Martine, présidente
- Les Céméas France, CLERICO Jean-Baptiste, directeur général
- Ligue des droits de l’Homme, BAUDOIN Patrick et VERGIAT Marie Christine, président et vice présidente
- Ligue de l’Enseignement, LACASSAGNE Hélène, présidente
- LIMBO, ALLEGRA Cécile, présidente
- MADERA, GOGEL Sarah, déléguée générale
- Médecins du Monde France, RIGAL Florence, présidente
- Mouvement ATD Quart Monde, GRARD Marie Aleth, présidente
- Mouvement de la Paix, EL RAHEB Gisèle, membre du conseil national
- MRAP, QUANTIN Jean-François, co-président
- Observatoire International des Prisons – Section Française, MAS Jean Claude, directeur
- Organisation de Solidarité Trans (OST), FOVET Alissa, secrétaire nationale
- OXFAM France, DUFLOT Cécile, directrice générale
- Patron.ne.s solidaires, Patricia Hyvernat, présidente
- Planning familial, NOAT Mel, membre du bureau confédéral
- REF-Réseau Euromed France, TOUCHE Karim, président
- Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR)
- Réseau Éducation Sans Frontières, DELARBRE Jean-Michel , co-fondateur
- Réseau Féministe « Ruptures », DENTAL Monique, présidente
- Ritimo, CHARLES Emmanuel, co-président
- Sidaction, THUNE Florence, directrice générale
- SINGA, Léa Balage El Mariky, Directrice Coordination France
- Solidarités Asie France (SAF), KHIANG Nayan, fondateur et président
- Solidarité laïque, HARSTER Anne‑Marie, présidente
- UniR, RIOS ARMAS Camila, fondatrice et directrice
- Utopia 56, MANZI Yann, délégué général
- Yes We Camp, TISSOT Marion, coordinatrice du projet des Amarres
SYNDICATS :
- CGT, BINET Sophie, secrétaire générale
- FSU, TESTE Benoît, secrétaire général
- UNEF, HAMIDI Hania, secrétaire générale
- Syndicat de la Magistrature, REUFLET Kim, présidente
- Syndicat des Avocats de France (SAF), KRIVINE Judith, présidente
- Union syndicale Solidaires, DAVID Cybèle et FERRUA Julie, secrétaires nationales
ASSOCIATIONS REGIONALES :
- Accueil des exilé.es et régularisation des sans-papiers 28, Burel Cathie, membre
- Association ASILE, LIONNET Jean-François, président
- Association de Veille Écologiste et Citoyenne Nantes, BASSANI Catherine, co-présidente
- Association Nouvelle Page, ZABIULLAH Mohammadi, président
- Association pour les Migrants-AMI, Nîmes, HUOU Julie, directrice et fondatrice
- ASTI 14 (Association de solidarité avec tou-tes les immigré-es du Calvados), VILACÈQUE Anne, co-présidente
- Bagagérue, GROVER Claire, présidente
- Cent pour un toit Pays de Quimperlé, SHEIKHI DUBUES Charlotte, présidente
- Cercle de silence de Villefranche-sur-Saône, LAUS Louis et DEGARDIN Francis, co-animateurs
- Citoyennes en lutte Ouistreham, HUBERT Nina, co-présidente
- Collectif Accès au Droit, BORSOTTI Milou, présidente
- Collectif d’aide psychologique aux migrants de Martigues, HENGEN Danièle, membre du collectif
- Collectif de Défense des Droits et Libertés des Étrangers (CDDLE) de Besançon, DIAWARA Mansour, président
- Collectif des sans-papiers de Montreuil, DIAWARA Mody, porte parole
- Collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry/Seine, DEMBELE Aboubacar, porte-parole
- Collectif Ganges Solidarités, LATAPY Robert, porte parole
- Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici, MILLET Thierry, représentant
- Collectif pour une autre politique migratoire 67 et Europe Cameroun Solidarité-Femmes du 3e Millénaire-Wietchip, Liliane TETSI, présidente
- Collectif strasbourgeois pour une autre politique migratoire, GREIB Pierre, coordinateur
- Collectif régional pour la coopération Nord-Sud – Hauts de France et Collectif régional pour la coopération Nord-Sud – Ile de France, LECLERC–OLIVE Michèle, présidente
- Coordination des Sans Papiers de Paris, TRAORE Yoro, porte parole
- Droit à l’Ecole, LASRY Aline, présidente
- Français langue d’accueil, TOCHE Olivier, co-président
- Kolone, GALLIENNE Emmanuelle, directrice
- Langage des Papillons Anduze, CZERBAKOFF Isabelle, coordinatrice
- L’Auberge des migrants, ROQUES Pierre, délégué Général
- Le Chêne et L’Hibiscus, BERNARDINI Jean-Marc, président
- Les Amis Cigagois du Collectif Solidarite Réfugiés (ACCSR), COROT Armelle, représentante
- Ligue des droits de l’Homme Auxerre, SUZEAU Brigitte , présidente
- Ligue des droits de l’Homme de la Sarthe, LAMBERDIÈRE–CASTA Kévin, président
- Ligue des Droits de l’Homme Saint-Dié des Vosges, LECLERCQ Philippe, président
- MRAP Vaucluse, DARWICHE Françoise, présidente
- Pantin Solidaire, DESHEULLES Carole, présidente
- Paris d’Exil, SEBILLOTTE Oriane, co-présidente
- Polaris 14, TESAN Bruno, directeur
- RESF 72, LEBRUN Bernard , porte parole
- THOT, GUYON Félix, délégué général
- Tous Migrants, SPIRA Alfred, administrateur
- Union Pirate Caen, ADELINE Etienne, membre du comité d’animation
AVOCAT.ES :
- BARTHELEMY Pavy, avocat au barreau de Nantes
- BERDUGO Patrick, avocat
- FORTUNATO Caroline, avocate au barreau de Lille
- GIFFARD Frédérique, avocate
- KEMPF Raphaël, avocat
- LEROY Magalie, avocate au barreau de Rouen
- MADELINE Cécile, avocate
- MAUGENDRE Stéphane, avocat
- SAYNAC Chloé, avocate
- SIMON–LE MAGOUROU Morgane, avocate au barreau de Paris
- TOUCHARD Corinne, avocate au barreau de Nantes
UNIVERSITAIRES :
- ABRAVANEL Nicole, historienne, EHESS
- ADAM Pauline, doctorante, ENS
- AKOKA Karen, maîtresse de conférences en science politique, Université Paris Nanterre, chercheuse, Institut des Sciences sociales du Politique (ISP)
- BACON Lucie, géographe, cartographe, UMR Migrinter, fellow Institut Convergences Migrations
- BERGEON Céline, maître de conférences, Université de Poitiers
- CALAME Claude, directeur d’études, EHESS Paris
- CAMAJI Laure, maîtresse de conférences en droit privé, Université Lyon 2
- CHAPUIS Amandine, géographe, Université Paris-Créteil
- CLEMENT Garance, maîtresse de conférences en sociologie, Université de Strasbourg
- DAGHMI Fathallah, enseignant chercheur, Université de Poitiers
- ELOY Pierre, maître de conférence en géographie, Centre de Recherche de l’Institut de Démographie de, Université de Paris I
- FASSIN Eric, sociologue, Université Paris VIII
- FRAGER PERRIER Martin, doctorant en sciences sociales
- FROUILLOU Leïla, maîtresse de conférences en sociologie, Université Paris Nanterre
- GARDESSE Camille, maîtresse de conférences en sociologie et urbanisme, Université Paris Est
- GEMENNE François, politologue et chercheur
- HANCOCK Claire, professeure des universités, UPEC Université Paris Est Créteil
- LALLIOT Manon, doctorante en géographie sociale, UPEC, Lab’URBA ABP Lyon
- LENDARO Annalisa, sociologue, chargée de recherches, CNRS
- MASSIAH Gus, économiste
- MERCIER Stéphane, paysagiste et enseignant, UPEM Université Paris Est Marne la Vallée
- OIRY VARACCA Mari, maîtresse de conférences en géographie, Université Gustave Eiffel
- OLLITRAULT Chloé, doctorante en sociologie, EHESS
- PELLETIER Willy, sociologue
- PLUMEJEAUD–PERREAU Christine, docteure en informatique
- RABIER Christelle, EHESS
- ROSSIGNOL Lilite, doctorante, Université Gustave Eiffel, et ATER, École d’urbanisme de Paris
- RUNET ARNOUX Pablo, doctorant en urbanisme, Université Paris-Est-Créteil et enseignant ATER, École d’Urbanisme de Paris
- SAGLIO–YATZIMIRSKY Marie Caroline, chercheuse en anthropologie et directrice, Institut Convergences Migrations-CNRS
- SALIN Fred, sociologue, Université Paris Cité
- SLAMA Serge, professeur de droit public, Université de Grenoble
- TCHIOMBIANO Stéphanie, maîtresse de conférence, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
- WAWRZYNIAK Dimitri, doctorant en géographie, Université Paris-Est, Lab’urba, JEDI
- WEBER Louis, co-gérant des éditions du Croquant
- WIHTOL DE WENDEN Catherine, directrice de recherche CNRS
- XIE Sophie, interne en anesthésie réanimation