L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur et un droit de caractère
fondamental et universel consacrés par les traités de portée européenne et mondiale. Cet
enjeu majeur pour l’avenir de nos sociétés, de part et d’autre de la Méditerranée, est au
coeur du travail du REF et traité ainsi de manière transversale dans l’ensemble des activités
menées.
A l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes
8 mars 2018
Depuis le début de la révolte en Syrie en mars 2011, le nombre de réfugiés syriens au Liban a considérablement augmenté avec l’escalade de la violence, qui s’est répandue dans tout le pays. Selon l’ONU, 5,3 millions de personnes ont fui la Syrie vers les pays voisins. La moitié de ces réfugiés sont des enfants.
En Syrie, les familles ont vécu des moments très difficiles durant lesquels leurs régions ont été dévastées par les bombardements. De nombreuses maisons ont été complètement détruites. Les hommes ne pouvaient plus travailler et les enfants ne pouvaient plus se rendre à l’école. Tous leurs besoins essentiels manquaient: nourriture, eau et lait pour les enfants, électricité, téléphones … Plusieurs membres de leurs familles ou proches sont morts avec leurs enfants. Ceux qui ont survécu ont pris la fuite. Ils ont fui sans rien emporter avec eux et ils ont franchi la frontière à leurs risques et périls. Ainsi les familles se sont retrouvées démembrées car tous n’ont pas pu fuir en même temps, ni par le même point de passage à la frontière. Ils devaient se diviser; les femmes et les enfants sont partis en premier, les hommes se sont trouvés obligés de rester quelque temps avant de partir.
En 2011, les réfugiés se sont installés principalement au nord du Liban, plus précisément à Wadi Khaled et à Tripoli. Mais, depuis mars 2012, Zahlé, dans la vallée de la Bekaa plus proche de la Syrie, est devenue un refuge pour les Syriens cherchant à fuir les troubles dans les régions voisines comme Homs, Quseir, Zabadani et Hama. Le mouvement était lent et limité à une ou deux familles par jour mais il s’est rapidement accéléré avec l’augmentation du conflit en Syrie.
Aujourd’hui, et selon les derniers chiffres du HCR, on estime que 85% des réfugiés syriens vivent dans des zones urbaines, tandis que les autres sont hébergés dans des établissements informels (IS). Le nombre total d’établissements informels (IS) est actuellement estimé à 2,200 IS de 4 tentes et plus (Interagency Mapping Partners IAMP V43 2017). La plupart des réfugiés vivent dans des conditions précaires, avec peu ou pas de ressources financières pour répondre à leurs besoins. Leurs principaux défis sont ceux de l’accès à l’hébergement, à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, aux soins de santé et à la sécurité. Plusieurs réseaux d’aide aux réfugiés syriens ont été construits, qu’ils soient gouvernementaux ou même des organisations internationales. En même temps, dès le départ, la société civile a joué un rôle crucial grâce au travail des organisations non gouvernementales (ONG). L’aide est organisée pour couvrir les secteurs suivants: protection de l’enfance, éducation, santé, nutrition, WASH, abris, aide en espèces et sécurité alimentaire, articles de première nécessité, violence sexuelle, services communautaires.Les défis auxquels sont confrontés les réseaux d’aide comprennent: – Augmentation significative du nombre de réfugiés; – Manque d’accès à l’hébergement – Conditions socio-économiques difficiles des familles – Différences entre les programmes scolaires syriens et libanais, – La situation économique au Liban et le manque d’opportunités de travail; – Des problèmes de sécurité.
Sur le terrain, la réalité de la vie syrienne est très dure. Les familles s’entassent à plusieurs membres dans des tentes construites avec des matériaux de récupération. Des couches superposées de nylon constituent leurs murs, sols et toits. Le réseau sanitaire y est absent donc et les familles s’approvisionnent en eau via un réseau de distribution de l’eau (water trucking), qui répond actuellement aux besoins journaliers des familles. Elles puisent l’eau comme elles le peuvent : dans les canaux d’irrigation ou même des mares d’eau sales ou encore quelques lits de fleuve plus ou moins asséchés dépendamment de leurs localisations. A l’intérieur de ces tentes à espace réduit, s’entassent des familles élargies ou plusieurs générations cohabitent plus ou moins avec des difficultés. La vie dans ces tentes s’organise d’une façon précaire. Il n’y a pas à proprement parler d’une organisation définie de la journée en fonction d’un rituel précis. L’enfant grandit donc un peu au hasard dans ces familles a natalité élevée. La polygamie est une de ces difficultés à laquelle s’ajoutent le clivage des générations et une autorité masculine très présente. Tout tourne autour de l’homme et est fonction de ses horaires. Quand il est absent, c’est comme si les membres de la famille sont en congé à condition de tout préparer avant son retour. A son retour, le repas doit être prêt servi dans le repos de la tente sans la présence des enfants. Les femmes, quant à elles, sont en majorité analphabètes. Elles ont été forcées à se marier très jeunes (l’âge au mariage ayant lieu en moyenne entre 10 et 11 ans) et ont été dès l’enfance accoutumées a l’exercice des fonctions domestiques et nutritives de la fratrie et donc plus tard de leur propre foyer. Elles n’ont donc aucun contrôle sur la santé et l’éducation de leurs enfants du fait même de leur ignorance. Lors des saisons agricoles, elles accompagnent leurs maris aux champs et participent aux travaux agricoles que ce soit pour le désherbage, la cueillette ou le stockage des produits collectées. Pour leur part, les hommes constituent la main d’œuvre étrangère journalière la plus nombreuse sur le marché du travail libanais.
Les besoins de ces familles sont nombreux et notamment des femmes et des enfants qui sont les plus vulnérables. Elles auraient besoin d’un logement décent, d’un travail régulier, d’une éducation adaptée et d’une couverture médicale appropriée. Mais il est à noter que le déplacement dû à la guerre n’est pas le seul responsable de leur statut social et éducatif actuel. Au départ, dans leur pays, les facteurs démographiques cités plus haut et les conditions sociales sous-jacentes marquées par des inégalités et des discriminations multiples dont souffrent les femmes et les filles, constituaient déjà des enjeux importants qui restent d’actualité. Le besoin est impératif de mettre en place des politiques d’interventions sociales et éducatives de longue haleine pour influer sur le changement de leur statut vers l’égalité et l’amélioration de leurs conditions de vie.
Beyrouth, 8 mars 2018
Marie-Gabrielle CORM pour l’AFEM
Marie-Gabrielle Corm est sociologue et travaille depuis 1994 sur le terrain libanais. Ancienne experte auprès du ministère des ressources hydrauliques et de la banque mondiale, responsable de la mise en œuvre de programmes internationaux d’aide au développement au Liban, elle se consacre actuellement à l’aide humanitaire auprès des familles défavorisées et des personnes en difficulté. Elle travaille également auprès des réfugiés syriens et iraquiens au Liban en qualité de fondatrice et vice-présidente d’EQUAL.
Sources : http://data.unhcr.org/lebanon/
Rencontre 3 « Jeunesses Méditerranéennes » : Alger – Avril 2018