Communiqué de soutien aux occcupant.e.s de Paris 8
Le REF est signataire du communiqué de soutien aux occupants de Paris 8.
Depuis le 30 janvier, des exilé.e.s et leurs soutiens étudiants occupent le bâtiment A de l’Université Paris 8 Saint-Denis. Leur action, dont l’objectif pratique est d’échapper à la rue ou aux centres de rétention, s’inscrit dans un mouvement général d’opposition aux politiques migratoires européennes. Nous, étudiant.e.s, personnels des universités et des écoles de l’enseignement supérieur, et professeur.e.s solidaires, leur témoignons notre soutien. Aux côtés des occupant.e.s de Paris 8, nous revendiquons une politique d’accueil digne et humaine.
L’occupation de Paris 8 s’inscrit dans un contexte de mobilisations au sein des universités françaises (Lyon, Nantes, Grenoble), et de grèves de travailleurs sans-papiers en Île-de-France depuis le début du mois de février. Ces mobilisations défendent un accueil inconditionnel de tou.t.e.s contre la politique migratoire française.
Nous dénonçons l’hypocrisie et le cynisme d’une politique qui revendique un soi-disant équilibre entre un accueil digne des demandeu.r.se.s et le durcissement des procédures de renvoi. Passés les trois premiers articles, le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » inaugure une série de nouvelles entraves à la demande d’asile : réduction des délais de présentation d’une demande d’asile de 120 à 90 jours ; réduction des délais de présentation d’un recours à la CNDA de 30 à 15 jours ; possibilité laissée à l’OFPRA de choisir la langue de l’entretien du demandeu.r.se d’asile ; élargissement des possibilités de recours non-suspensif. Sous couvert de réduire les délais de la demande d’asile et d’améliorer les conditions d’accueil, il s’agit d’autant de mesures qui entravent l’usage effectif du droit fondamental à l’asile. Si les délais de la demande d’asile doivent être raccourcis, ce ne doit être qu’en donnant plus de moyens à l’OFPRA et à la CNDA.
En plus de l’hypocrisie de l’exigence d’ « efficacité » dans la demande d’asile, la politique que nous dénonçons ajoute nombre de mesures répressives et liberticides, qui ont de quoi faire honneur à une longue tradition de politique xénophobe et raciste. Après le retour affirmé à une politique du chiffre — circulaire Collomb du 20 novembre — le nouveau projet de loi sur l’immigration introduit des mesures inédites d’incarcération (durée maximale de la retenue en CRA prolongée de 45 à 135 jours, généralisation de l’assignation à résidence, enfermement des demandeu.r.se.s d’asile dubliné.e.s), de contrôle des personnes (allongement de la durée de retenue pour contrôle d’identité, nouveaux moyens de pression pour exiger la prise d’empreintes et de photographie des retenu.e.s, introduction dans la loi du tri des personnes par l’OFII dans les centres d’hébergement d’urgence – déjà organisé par les circulaires de décembre), entraves à la justice (recours généralisé à la vidéo-audience et élargissement de l’usage du recours non-suspensif, qui permettront l’éloignement des personnes avant leur audition à la CNDA). On connaît les logiques à l’oeuvre :
incarcération punitive des débouté.e.s sous prétexte de les éloigner — politique inefficace en plus d’être inhumaine —, contrôle directif des personnes demandant l’asile sans aucune prise en considération des liens de solidarité noués au quotidien, tri des personnes au nom de la distinction fallacieuse entre « bons réfugiés » et « mauvais migrants » économiques, et droit d’asile au rabais.
En 2016, le Résome avait écrit une tribune pour que des actions de solidarité soient organisées et menées en France. Mais depuis deux ans, malgré des mouvements sociaux, l’État ne bouge pas. Ainsi, pour que les personnes en situation d’exil aient un accueil digne, nous revendiquons, aux côtés des occupant.e.s de Paris 8 :
– Un accueil inconditionnel des personnes en situation d’exil ;
– Des conditions d’hébergement dignes pour les personnes en situation d’exil, à savoir : des lieux d’hébergement et de logement décents, la fin des transferts directifs mis en place par l’OFII et qui brisent des parcours de vie (comment une personne qui souhaite construire sa vie dans un endroit peut-elle le faire en changeant sans cesse de lieu d’habitation ?) ;
– L’arrêt de la procédure Dublin : fin de la prise d’empreintes forcée et contrainte, fin des rétentions, fin des déportations ;
– Un suivi juridique, social et médical digne et inconditionnel pour toute personne en situation d’exil ;
– Le droit au travail pour les demandeurs d’asile, ce qui passe par la modification de l’article L-744-11 du CESEDA (c’est-à-dire le prérequis de 9 mois après la demande d’asile pour pouvoir travailler) ;
– Le droit à la reprise d’études pour les exilé.e.s. Il faut que ce droit s’accompagne de mesures que l’État doit lui-même mettre en place (ce qui aujourd’hui repose sur des soutiens bénévoles et principalement étudiants) : des dispositifs d’informations sur la reprise d’études disponibles dès l’arrivée des exilé.e.s sur le territoire français, la possibilité de suivre des cours de français de qualité dès l’arrivée sur le sol français, un accès facile à la reconnaissance et à l’équivalence de diplômes étrangers, la fin des discriminations par les universités et les écoles lors des procédures d’inscription, un accès aux bourses universitaires et aux services du CROUS pour les étudiant.e.s exilé.e.s et la régularisation des étudiant.e.s sans papiers ;
– La fin des procédures injustes d’évaluation de minorité qui conduisent à la mise en danger des mineur.e.s isolé.e.s
exilé.e.s plutôt qu’à leur protection.
Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 21 février, et sera soumis au vote des députés au printemps. La mobilisation devient urgente : nous appelons à toutes formes de mobilisation pour un accueil digne, en opposition à une politique inhumaine.
Le RÉSOME (Réseau Études Supérieures et Orientation des Migrant.e.s et Exilé.e.s)
Pour soutenir et signer le communiqué envoyez nom/prénom à soutienoccupantsp8@gmail.com