Séminaire interne sur la Palestine
Jeudi 3 mars 2016, dans les locaux de l’iReMMO à Paris, se tenait une réunion interne du REF sur la Palestine. Suite à la mission de terrain du réseau en février 2014, cette réunion était l’occasion de faire un point sur la situation actuelle et d’élaborer de nouvelles pistes de travail.
Pour avoir un éclairage sur la situation le plus récent possible étaient invités à parler : M. Xavier Guignard, chercheur en sciences politiques, associé à l’IFPO, basé à Amman, ainsi que trois représentants d’associations membres travaillant avec Palestine : Mme Aurore Faivre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, M. Yousef Habache du Comité pour le Développement et le Patrimoine, et M. Marc Mercier des Instants Vidéo Numériques et Poétiques.
« Un fractionnement absolu du territoire en Cisjordanie, un enclavement à Gaza… » – Xavier Guignard
La situation socio-politique en Palestine est aujourd’hui alarmante : la colonisation israélienne de la Cisjordanie se poursuit et a complètement cassé la continuité territoriale. L’établissement d’un Etat palestinien à partir de la Cisjordanie est donc, à ce jour, rendu très difficile. Gaza est enfermée avec la complicité des pouvoirs égyptiens ; il est aujourd’hui très difficile d’y accéder. La reconstruction de la ville, en grande partie détruite par les bombardements de 2014, est à ce jour impossible. Dans la partie Est de Jérusalem, lieu d’où est partie ce que certains observateurs ont appelé la « troisième intifada », ou « Intifada des couteaux » en 2015, les habitants sont pris au piège entre le mur et une ville dont ils sont contribuables mais non citoyens. A cela s’ajoute une pression continue des autorités israéliennes pour les faire quitter la ville.
Yousef Habache donne l’exemple d’un collègue qui ne peut revenir à Jérusalem Est car bloqué à la frontière par les forces israéliennes, et qui perdra donc son permis d’y résider ayant passé, contre son gré, trois mois hors de la ville.
Une citoyenneté palestinienne ?
Ainsi, la question qui apparaît de plus en plus évidente aujourd’hui est celle des droits des Palestiniens. Le poids de la juridiction israélienne est toujours très fort, notamment dans l’attribution des papiers. Officialiser son existence en tant que citoyen palestinien peut relever d’un parcours du combattant : la question des papiers en Palestine est « liée à l’occupation, elle ne dépend que du bon vouloir israélien, qui sanctionne, de ce fait, diplomates, chefs d’entreprises, et évidemment les Palestiniens lambda », nous explique Xavier Guignard.
Mais cela renvoie aussi à la faiblesse de l’Autorité palestinienne, d’une part parce qu’elle est aujourd’hui coupée en deux, une à Ramallah, une à Gaza ; d’autre part, parce que si des efforts ont été fournis depuis Oslo pour voir émerger la forme d’un Etat palestinien, très peu a été fait pour que ce dernier puisse assumer ses fonctions régaliennes en matière de protection de sa population.
« Si l’on prête l’oreille aux mouvements sociaux, d’autres types de solutions émergent. » – Xavier Guignard
Peu puissante en réalité, l’Autorité palestinienne n’en entend pas moins faire la preuve de sa détermination à gouverner sa population, même si cela passe aujourd’hui par un resserrement autoritaire. La tension entre gouvernement et population est en partie due aux pressions auxquelles l’Autorité doit faire face : celle d’Israël bien sûr, mais aussi celle de ses bailleurs, qui tous souhaitent étouffer les mouvements de contestations internes.
En dépit de tout cela, les Palestiniens sont très engagés dans la société civile. Ce dynamisme de la société civile est une porte d’entrée pour des actions de la société civile internationale et notamment pour la société civile française. Aurore Faivre rappelle que les Palestiniens n’ont pas besoin de formation, mais ont besoin de soutiens sur la scène internationale.
Le tabou sur les questions du bien-fondé et du bon fonctionnement de l’Autorité tend à s’effriter. Selon Xavier Guignard, la remise en cause de la politique coloniale israélienne ne se fera, sans doute, pas sans une remise en cause de l’Autorité palestinienne, ou au moins de sa forme.