La réalisation des OMD sur la rive sud de la Méditerranée
Egypte, Tunisie, Maroc, Algérie
Comment les pays de la rive sud de la Méditerranée se situent, au regard des autres régions du monde, dans la réalisation des OMD ? Les facteurs à risque communs à tous les pays de la Méditerranée et de l’Europe, tels que le tabagisme, l’obésité, la pollution, les maladies professionnelles, ne sont pas les priorités des pays de la rive sud de la Méditerranée, qui sont confrontés à d’autres réalités : malnutrition, logement inadapté, accès à l’eau potable, pauvreté, éloignement des écoles, des centres de santé primaire.
Sommaire
En cinquante ans, ces pays ont enregistré une croissance démographique extrêmement rapide : le recul de la mortalité, grâce à l’amélioration des conditions de vie, au progrès de l’instruction et à la diffusion des vaccins s’est combiné avec une forte fécondité. A partir des années quatre-vingt, on y observe une baisse de la fécondité, qu’expliquent l’augmentation de l’âge au mariage et la diffusion de la contraception. L’émigration, malgré des restrictions sévères à l’entrée des pays occidentaux, accroit également ce phénomène. Enfin, l’allongement de la vie et l’urbanisation croissante, générant une forte disparité entre villes et campagne, sont les deux autres caractéristiques majeures des évolutions sociales que ces pays ont enregistrées en trente ans.
Dernière observation : si les comportements démographiques semblent relativement homogènes pour l’ensemble de ces pays, ce n’est pas le cas de leurs évolutions économiques et sociales respectives. Pour faire court, en 2007 le revenu national par habitant est de 7 140 $ en Tunisie, de 7 640 $ en Algérie et seulement de 4 050 $ au Maroc.)
Les récents rapports de l’OMS ont recensé des progrès importants dans ces pays engagés dans la poursuite des objectifs fixés, avec d’énormes possibilités qui découlent de ces progrès. Le tout récent rapport du PNUD, qui date de novembre 2011, assigne à la Tunisie le 94ème rang mondial (sur 187 pays regroupés au titre du développement humain), l’Algérie, elle, occupe le 96 ème rang, l’Egypte le 113ème et le Maroc le 130ème rang.
« Tout aussi encourageant est le fait que le niveau de l’engagement politique en faveur des OMD reste très élevé, en dépit des crises – énergétique, alimentaire, économique et financière – qui ont dans un passé récent durement frappé le continent. De nombreux pays ont adopté d’importantes réformes institutionnelles – décentralisation pour améliorer la prestation des services sociaux, amélioration de la coordination et de la cohérence dans les politiques, planification fondée sur les OMD – afin de donner une nouvelle impulsion aux efforts tendant à la réalisation des OMD. L’appui international à la réalisation des OMD en Afrique reste important. Se trouve ainsi créé un point d’appui pour accélérer le rythme de progression vers la réalisation des OMD au cours des cinq dernières années du programme les concernant. » lit-on dans le Rapport officiel des Nations Unies et de la Commission Economique pour l’Afrique, en mars 2010[[Rapport officiel des Nations Unies, Commission Economique pour l’Afrique, mars 2010) http://www.uneca.org/cfm/2010/documents/French/AssessingProgressinAfricaTowardsMDGs.pdf]]
Un autre rapport des Nations Unies, publié en juin 2010, dresse également un bilan positif sur les progrès constatés en Afrique du Nord, qui a réalisé une part des objectifs du Millénaire pour le développement. Cependant, si la réduction de la pauvreté est indéniable, la crise économique et financière mondiale n’est pas sans effet et entrave le processus en cours. Sur le plan des inégalités de santé, le rapport note une réduction impressionnante de la mortalité enfantine (de 80 décès pour 1000 naissances en 1990 on est passé à 29 pour 1000 en 2008), grâce au renforcement des accouchements assistés d’un personnel qualifié. Ces derniers, qui ne représentaient que 46 % des accouchements en 1990, en constituent 80%en 2008. Enfin, le rapport souligne que les progrès accomplis dans la lutte contre la mortalité infantile incluent aussi les zones rurales, où le nombre de femmes ayant accouché avec l’aide d’un personnel qualifié a également fortement augmenté.
OMD n° 4 – Réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans
Indicateur 4.1 (U5MR). Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans
La mortalité des enfants entre 0 et 5 ans est un bon indicateur du niveau de développement d’un pays, soulignant l’importance de la proximité des services de santé. Aussi, améliorer l’accès aux soins constitue le premier pas permettant de réduire la mortalité infantile. Le taux élevé de mortalité néonatale, la diarrhée, la rougeole, le paludisme, le VIH/sida, sont les principales causes de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.
Dès 2010, l’Egypte et la Tunisie avait déjà atteint cette cible fixée par les OMD. Les autres pays à revenu moyen que sont l’Algérie, la Libye, le Maroc sont en bonne voie pour atteindre l’objectif de réduire de deux tiers la mortalité des enfants de moins d’ici 2015 (année de référence : 1990). La promotion de l’hygiène, la vaccination ainsi que des soins qualifiés pendant la grossesse et l’accouchement représentent les principaux moyens, avec une sensibilisation soutenue grâce aux différents moyens informatifs et de communication. Enfin, sans un investissement massif dans les systèmes de santé, en particulier le déploiement de professionnels de santé beaucoup plus nombreux, l’objectif de 2015 n’aurait pu être relevé.
Indicateur 4.2 (TMI) Taux de mortalité infantile (nombre de décès d’enfants de moins d’1 ans pour 1000 naissances vivantes au cours d’une même année)
Partout dans le monde, ce taux est considéré comme un indicateur de l’état de développement d’un pays dans le domaine de la santé. Le Maroc, la Tunisie et l’Egypte montrent la voie en affichant les plus importants progrès sur 20 ans. L’effort de ces trois pays ont porté sur le développement des structures dédiées à la prise en charge des mères et des enfants, ainsi qu’une extension de la couverture d’immunisation.
OMD n° 5 – Améliorer la santé maternelle
La Tunisie se singularise par les remarquables progrès réalisés pour atteindre ses objectifs. Fin novembre 2011, Elle a d’ailleurs lancé une campagne pour accélérer la réduction de la mortalité maternelle en Afrique. Soucieuse de partager l’expérience de sa pratique et les fruits des résultats obtenus, la Tunisie a mis à disposition des médicaments, des vaccins et des outils de promotion de la santé et de la reproduction à disposition des autres pays africains. L’Egypte, l’Algérie, la Libye, le Maroc ont également enregistré des résultats encourageants qui les rapprochent de l’objectif de 2015
L’égalité d’accès aux soins de santé primaire : une « première » étape
« L’enjeu pour l’approche des soins de santé primaires au XXIe siècle consiste à maximiser les bénéfices qu’offre la mondialisation et minimiser les risques qu’elle entraine pour la santé des populations. L’augmentation spectaculaire du nombre d’acteurs et de mouvement mondiaux au cours des trois dernières décennies a eu une influence directe sur le développement des systèmes de santé fondés sur les soins de santé primaires. Il est essentiel de résoudre les complexités et les défis de la nouvelle gouvernance mondiale de la santé car ces initiatives auront une influence majeure sur la forme et l’avenir des soins de santé primaires. Les objectifs, les mouvements et les alliances au niveau mondial – les objectifs du Millénaire pour le développement (…), le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance GAVI – rassemblent les principaux acteurs liés par des réseaux de communication modernes et des préoccupations mondiales communes. Ces partenaires soutiennent certains des plus grands programmes de soins de santé primaires financés en externe pour lutter contre des affections comme la malnutrition, les problèmes de santé génésique et infantile, le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, et certains comme la GAVI ou le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme reconnaissent la nécessité de renforcer les systèmes de santé. Le défi consiste maintenant pour les gouvernements nationaux de pouvoir en bénéficier pour améliorer les résultats sanitaires. »
Réduire les inégalités ayant un impact sur la santé implique un fort engagement des pouvoirs publics de chaque pays, soutenus par la communauté internationale. La volonté de progrès social se met en marche avec ce premier objectif, qui vise l’amélioration de la situation sanitaire, et pour cela donne la priorité à l’accès aux soins de santé primaire. L’accès pour tous, y compris aux plus démunis, est une première étape, essentielle puisqu’elle s’attaque directement à la menace de la maladie et de la mort. Mais l’amélioration de l’état de santé ne peut se réduire à l’accès aux soins primaires, y compris des populations les plus pauvres. Les inégalités sociales de santé, ne l’oublions pas, doivent être corrigées dans leur globalité. La réflexion, et derrière les actions qui en découlent, se doivent d’être transversales, et menées en profondeur et dans le temps pour neutraliser durablement les effets de l’ensemble des déterminants sociaux de la santé. [[Référence : http://www.irdes.fr/EspaceDoc/DossiersBiblios/InegalitesSocialesSante.pdf]]
Des résultats probants en Tunisie
La Tunisie a opté pour une politique d’actions conjointes visant l’amélioration de la qualité de vie dans sa globalité. L’école et la santé sont interdépendantes. La cohérence et la coordination des actions menées de pair dans ces deux domaines ont été déterminantes pour le succès de la politique de santé conduite en Tunisie. Sur le plan de l’éducation, la Tunisie a fourni les efforts considérables qui ont permis de généraliser l’enseignement gratuit et obligatoire, en consécration du principe de l’éducation pour tous. Sur le plan de la lutte contre les inégalités sociales de santé, la Tunisie a également opté pour des actions concrètes visant à des réalisations probantes : l’espérance de vie y est aujourd’hui de plus de 74 ans. L’égalité de l’accès aux soins est devenue une réalité, puisque 95 % de Tunisiens disposent de services sanitaires situés à une distance de leur localité ne dépassant pas les 5 km. Enfin, la Tunisie est parvenue à réduire son taux de pauvreté à 4 %.
Ces indicateurs de santé ont d’ailleurs valu à la Tunisie la médaille d’or de l’OMS, décernée en 1996 au Président Zine El Abidine Ben Ali.[[Référence : http://www.tunisia-today.com/archives/51615]]
Maroc : des initiatives récentes, des résultats encourageants
Le Maroc est parti d’un niveau très faible de développement humain au lendemain de l’Indépendance. Même si des efforts avaient été réalisés depuis 1955, le Maroc au regard des pays voisins était resté à la traine de longues années, ce qui a lourdement pesé sur l’état du pays dont a hérité Mohamed VI. Sur le plan social, à l’aube du millénaire, des progrès notables aient été accomplis, attestés par l’évolution positive de la plupart des indicateurs sociaux comme socio-économiques. Mais ils étaient encore largement insuffisants pour répondre aux nouveaux besoins sociaux et à l’augmentation de la population active.
Les progrès réalisés, quels qu’ils soient, restaient réservés au milieu urbain, tandis que la situation sociale continuait de s’aggraver en milieu rural. Les taux de mortalité infantile et maternelle y étaient encore extrêmement élevés. Encore aujourd’hui, malgré les énormes efforts réalisés, les décès infantiles (mesurés par le taux de mortalité des enfants de moins d’un an) restent plus fréquents au Maroc qu’en Algérie et surtout qu’en Tunisie.
Dans le domaine de l’éducation, le Maroc n’avait pas davantage réussi à profiter de la période de croissance économique pour lutter contre l’analphabétisme et renforcer sa politique d’éducation, .contrairement aux autres pays de la région. Le revenu des habitants marocains étaient toujours plus faibles que ceux de leurs voisins maghrébins. Entre ville et campagne, les revenus et le niveau d’instruction variaient tout simplement du simple au double.
Mais depuis le nouveau millénaire, avec l’aide internationale et l’appui en direct des Américains, le Maroc a initié de nombreuses actions interdépendantes en faveur de son développement économique et social. Entre autres, l’éducation de base et la formation professionnelle, la réduction de la pauvreté et l’accès aux soins de santé primaire sont les fronts sur lesquels le Royaume n’a plus relâché ses efforts.
« Les pouvoirs publics ont de plus en plus intégré le fait qu’une stratégie de réduction de la pauvreté n’est pas forcément celle qui est reléguée à un département ministériel précis mais plutôt celle qui de manière transversale est reflétée dans les différentes stratégies sectorielles. C’est ainsi que différents programmes aussi bien en milieu rural (Plan d’action national de lutte contre la désertification, programme d’approvisionnement groupé en eau du milieu rural,) qu’en milieu urbain (Programme de résorption de l’habitat insalubre, programme Agenda 21) intègrent de fait cette stratégie plurielle dont l’objectif est la réduction des disparités et de la pauvreté au Maroc. », note le Rapport de la Mission d’Appui au PNUD et du Ministère du Développement Sociale la Famille et de la Solidarité du Maroc, « Pour une Politique Sociale Intégrée », (2005).
Dans son rapport présenté à l’Assemblée Générale des Nations Unies fin 2010, le Maroc a manifesté de nouveau sa volonté d’atteindre les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement, au prix d’efforts soutenus en particulier dans les domaines de la santé maternelle et infantile et de l’éducation.
**Une situation marquée par l’insuffisance de l’éducation :
« Pour les générations nées dans les années 1950, 30 % seulement des hommes ruraux sont alphabétisés contre 70 % des urbains ; et 5 % des femmes vivant à la campagne contre 40 % en ville. Pour celles nées dans les années 1980, 68 % des hommes et 36 % des femmes savent lire et écrire (les proportions sont passées en ville respectivement à 92 % et 82 %).
Extraits Rapport de la Mission d’Appui au PNUD et du Ministère du Développement Sociale la Famille et de la Solidarité du Maroc, « Pour une Politique Sociale Intégrée », 2005.
« Les disparités sont marquées aussi en matière d’instruction. La part de femmes nées avant 1940 et sachant lire et écrire était inférieure à 10 % dans l’ensemble des pays du Maghreb. Par la suite, l’amélioration de la scolarisation a bénéficié beaucoup moins aux Marocaines qu’aux Algériennes et surtout qu’aux Tunisiennes. Pour 10 femmes nées autour de 1980, 9 savent lire et écrire en Tunisie, 8 en Algérie, mais seulement 5,5 au Maroc. La situation des jeunes femmes au Maroc aujourd’hui est équivalente à celle des jeunes Algériennes 18 ans plus tôt et celle des Tunisiennes il y a 24 ans. »
Rapport sur les Perspectives du Maroc à l’horizon 2025 – Pour un développement humain élévé, Commission Cinquantenaire de l’Indépendance du Maroc, 2005
**Les disparités villes / campagne :
« Le niveau de vie progresse, mais aucun signe de réduction des disparités n’est perceptible depuis l’indépendance (1956). Lorsqu’en 2000-2001 la dépense moyenne par personne atteint 5 300 dirhams (environ 500 euros) dans les campagnes, elle rejoint enfin le niveau qu’on mesurait dans les villes à la fin des années 1950, plus de quarante ans auparavant. Le décalage entre les catégories rurales et urbaines du pays est de l’ordre de trois, voire quatre décennies. »
Rapport sur les Perspectives du Maroc à l’horizon 2025 – Pour un développement humain élévé, Commission Cinquantenaire de l’Indépendance du Maroc, 2005
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OMD 4 et 5 :
« Au Maroc, le taux de mortalité maternelle est estimé à 227 pour 100 000 naissances vivantes. Cependant, ce taux est variable selon le lieu de résidence. Le taux de mortalité infantile est quant à lui de 40 pour 1000. Le Maroc intensifie ses efforts pour reculer la mortalité maternelle, en élaborant et en menant des plans d’action nationaux pour une maternité sans risque. Cette stratégie se base sur le développement des ressources humaines, l’élargissement des prestations sanitaires ayant trait à la mère, à l’enfant et à la planification familiale ainsi que l’amélioration des infrastructures de base et l’implication du secteur privé en matière de santé maternelle. »